Dimanche Ouest-France 19-09-04
Les artistes, c'est souvent
Docteur Jekyll et Mister Hyde. Prenez, par exemple, Dan Ar Braz. Chez
lui, à Quimper, dans les vieilles rues serpentant vers l'Odet,
quand il dégringole de la tour de sa maison médiévale,
casquette de base-ball au vent, comme un retraité gourinois qui
aurait passé 40 ans aux States il est Daniel Le Braz "Le
fils du garagiste du Moulin vert" vous savez bien, ce que c'est!".
Un garçon doué de ses mains pour la guitare mais un brin
agoraphobe, et qui ne rêverait que de contemplations marines,
à l'abri de volets à la peinture écaillée.
Et puis, pour un rien, un truc dans l'air, son discret piercing à
l'oreille se met à briller. Il redevient Dan, guitar héro
éclectique, ex-leader des Flying Mosquitos (groupe légendaire
du côté de Penhars), soliste complice d'Alan Stivell et
de Yacoub, du Fairport Convention, mythique formation du folk-rock britannique
; maître d'oeuvre de l'Héritage des Celtes et ses presque
trois millions d'aIbums vendus. Un héritage justement
un peu lourd à porter au bout de sept années d'errance
triomphale, au milieu d'une horde de talents irlandais, gallois, écossais,
galiciens et bretons.
"Je voulais m'isoler, retrouver le silence, l'estran à marée
basse, mijoter une sorte de dernière révérence
musicale tes tamentaire ".
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Un disque qui s'intitulerait
La mémoire des volets blancs. Mais de l'isolement à la
solitude, il peut n'y avoir qu'un pas. Et en 2003, poussé par
quelques amis, notre Dan de Quimper fait un premier come back discographique.
Une vraie surprise, puisque Dan y retrouve sa voix, égarée
depuis les années 80. Il chante sur des textes de Clarisse Lavanant,
jeune Morlaisienne au talent prometteur, mais également "Marplij"
(s'il vous plait), comme on dit on breton, de Mossieur Jean-Jacques
Goldman en personne, qui pousse même l'amitié, à
interpréter son petit couplet sur Je m'en vais demain, l'un des
titres phares de l'album, un peu boudé par le public.
Mais il ne sera pas le seul par ces temps de crise de l'industrie discographique.
Reste à Dan deux solutions: devenir neurasthénique ou
enfiler la bretelle de sa guitare, mettre l'électricité
dans le micro et remonter sur scène. Il choisit la seconde et
prend la tête de la "brigade légère" dont
il rêvait depuis des années: Marcel Aubé (basse
de Zazie et de Daho), Mathieu Rabaté (batteur des mêmes),
Ludo Mesnil (guitares), Patrick Péron et Miguel Sevret (claviers)
et Ronan Le Bars (uilleann pipe, flûtes). Eté 2004, ii
se relance donc avec 5 concerts, "hors de Bretagne pour éviter
la confusion des genres avec l'Héritage des Celtes. Là,
je retrouve mes racines blues rock. On m'a souvent reproché Quand
est-ce que tu te lâches ? Et bien ça y est ! ". La
première date a du mal à passer : "C'était
un festival en Vendée, j'étais tellement malade de trac
que j'ai demandé à mon producteur si on pouvait tout annuler.
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Mais quelques jours plus tard
à Vienne, Denez Prigent a accepté de me laisser passer
avant lui et, tout comme à Bruxelles, devant 8 000 personnes,
on a fait un tabac". Une heure trente a deux heures de concert,
"avec de temps à autre un petit set acoustique, quelques
reprises (The earth's lament, Orgies nocturnes)..." sans oublier,
bien entendu, les principaux titres de l'Héritage des Celtes
et de A toi et ceux. Et rien de Xavier Grall ? "Juste un titre,
Les déments, que l'on trouve sur un album contenant des inédits,
intitulé Xavier Grail chanté par Dan Ar Braz". Un
peu dommage, peut-être...
Parce qu'on les aime ces poèmes rebelles courageusement sortis
dans Allez dire à la ville, en 1978. Ils révélaient
un artiste écorché, plus engagé que beaucoup le
croient en faveur de la langue et la culture bretonnes. La face B, en
quelque sorte, du charismatique alchimiste musical interceltique qui,
en larmes, avait dé-dié sur la scène du festival
de Cornouaille, son disque d'or de l'Héritage, "à
nos grands-parents et aïeux, ces paysans vê-tus de guenilles,
qui, pour faire la fête, avaient la noblesse de s'habiller comme
des reines et des rois"...
Ronan GORGIARD
• La tournée française de Dan Ar Braz passe par
Quimper (Théatre de Cornouaille) du jeudi 30 septembre au samedi
2 octobre; à
Nantes (Cité des congrès), le 13 à Rennes (Liberté),
le 14; à Morlaix (Langoles), le 15.
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